Tu es devant ta page blanche, l'esprit débordant d’histoires à raconter, mais au lieu de mots, ce sont les doutes qui surgissent. Qui es-tu pour écrire cette histoire ? Pourquoi ta voix serait-elle intéressante ? Et si tout cela n’était qu’un mirage ? Si tu es un auteur débutant, ce sentiment ne t'est sans doute pas étranger : la frustration de se sentir illégitime.
Et si je n’étais pas « assez » ?
Cette question, insidieuse comme un vent glacial, hante chaque génération d’écrivains. Elle surgit, lancinante, dès qu’on ouvre un chef-d’œuvre comme L’Âme du Mal de Maxime Chattam ou Le Silence des Agneaux de Thomas Harris. Comment rivaliser avec cette précision, cette maîtrise, ce souffle qui transcende la page ? L’écart entre l’idéal que tu associes à « l’écrivain » et ta propre expérience ressemble à un gouffre infranchissable.
Mais pose-toi un instant. Ce doute n’est-il pas, au fond, le plus sûr signe que tu prends l’écriture au sérieux ? Que ta quête dépasse les mots jetés à la va-vite ? Celui qui ne doute pas ne crée pas. La frustration, aussi douloureuse soit-elle, est la preuve que tu as une exigence. Et c’est cette exigence qui te mènera loin — bien plus loin que ceux qui écrivent sans jamais se poser de questions.
Le piège du miroir déformant
Nous tombons tous dans ce piège. Tu lis tes auteurs préférés et, soudain, leur talent devient un miroir cruel où ta propre écriture semble déformée, insignifiante. Ce que tu oublies, c’est qu’un premier jet ne supportera jamais la comparaison avec un texte publié. Le manuscrit qui t'émerveille a traversé des mois, voire des années, de réécriture. Polissage après polissage. Retouches, coupures, ajouts. À la fin, ce n’est plus un brouillon, c’est une sculpture taillée dans le marbre.
Ernest Hemingway ne disait-il pas : « Le premier jet de tout est de la merde » ? Ces mots claquent, brutaux, mais ils portent une vérité essentielle : l’écriture est un processus. Un chef-d’œuvre commence toujours par une version chaotique, désordonnée. Alors, pourquoi exiger de ton brouillon ce qu’aucun écrivain accompli n’a jamais produit du premier coup ?
La légitimité ne s’octroie pas, elle se conquiert
Qui décide si tu es un écrivain légitime ? Le public ? Les critiques ? Les éditeurs ? Non. Cette réponse est en toi, et nulle part ailleurs. Tu es écrivain à partir du moment où tu écris. Peu importe que tu sois publié ou non. Peu importe que tu sois applaudi ou ignoré. L’acte d’écrire suffit à te définir.
Neil Gaiman raconte qu’un jour, lors d’un événement, il s’est senti complètement illégitime. Entouré de génies et de célébrités, il avait l’impression de n’avoir rien à faire là. Il confia ce sentiment à un homme modeste à ses côtés, qui répondit : « Moi aussi, parfois, j’ai ce sentiment. Je regarde les autres et je me demande ce que je fais ici. » Cet homme, c’était Neil Armstrong. Oui, l’homme qui a marché sur la Lune. Même lui doutait. Alors, pourquoi pas toi ?
Faire du doute un moteur
Le doute, ce compagnon de route insidieux, peut devenir un allié. Oui, un allié. Il ne disparaîtra jamais, mais tu peux apprendre à le dompter. À canaliser cette énergie destructrice en force créative. Comment ? En suivant quelques principes simples, mais puissants.
Reconnais tes doutes. Plutôt que de le fuir, accepte-les. Ils font partie du voyage. L’écriture, c’est une traversée dans l’inconnu, et le doute est le prix à payer pour explorer ces territoires.
Fixe-toi des objectifs réalistes. Un premier jet, ce n’est pas la ligne d’arrivée. C’est un point de départ. Achève-le, relis-le, mais ne lui demande pas d’être parfait.
Célèbre chaque progrès. Un mot écrit, c’est une victoire. Une phrase corrigée, c’est un pas en avant. Honore ces petites victoires.
Rejoins une communauté. Échanger avec d’autres auteurs, débutants ou confirmés, permet de relativiser. Tu n’es pas seul dans cette lutte. Les doutes sont universels.
Le courage d’écrire malgré tout
L’illégitimité est une montagne escarpée. Mais chaque mot que tu écris est une prise, un appui, pour continuer l’ascension. Écrire, ce n’est pas se prouver qu’on est le meilleur. C’est se prouver qu’on peut avancer, malgré les fantômes qui nous retiennent.
Et toi, écris-tu ? As-tu peur de te lancer ? Quelles sont tes plus grandes frustrations, tes batailles contre le doute ? Partage tes récits dans les commentaires. Les histoires des autres sont comme des balises dans la nuit : elles éclairent notre chemin.
Dans mon prochain article, j'aborderai "les critiques" : celles qui viennent des autres, celles qui viennent de nous-mêmes. Comment les apprivoiser, comment les utiliser pour grandir. Mais pour l’instant, souviens-toi : tu es écrivain dès l’instant où tu écris. Personne ne peut te retirer cela.
Comments